Cet aphorisme a été proposé en son temps par Julian de Ajuriaguerra (1911-1993) qui avait su faire du domaine psychiatrique de Bel-Air un pôle vibrant d’une psychiatrie humaniste et éclairée.
Et il faudra bien qu’on se pose sérieusement la question de savoir comment on est en train d’en arriver là, la nouvelle mouture du DSM (traité de diagnostic psychiatrique) dérapant très sérieusement dans cette direction ! Et forçant le trait de proposer avant tout des réponses médicamenteuses à des questions qui sont des questions affectives, relationnelles, sociales, des questions de vie…
A tel point que même le responsable de la version précédente, qui elle-même glissait dangereusement dans cette direction, ne cesse de tirer la sonnette d’alarme depuis sa retraite californienne.
Pendant ce temps, à Genève, le responsable du Département de psychiatrie fait étal de sa fascination technique, expliquant que « l’intervention psychothérapeutique doit avoir la précision d’un geste chirurgical ». Ben tiens…
La confusion des registres est patente. Que penserait-on d’un chirurgien qui expliquerait à ses troupes qu’une intervention chirurgicale devrait avoir la profondeur polysémique d’une interprétation psychanalytique?…
La dérive technique de la psychiatrie reflète à quel point la part de l’humain se rétrécit dans une culture livrée, selon les mots du philosophe Fabrice Midal, à la religion de l’utilité. Non, la santé psychique ne relève ni de la chimie, ni de l’économétrie, même si ces registres ont aussi un rôle à jouer. Mais l’humain relèvera toujours de l’humain, la vie de la vie, est assujettir ces dimensions fondamentales à des registres techniques ne peut que conduire à la négation de qui nous sommes, de ce dont il s’agit.